Les vers plats ou Plathelminthes terrestres invasifs qui appartiennent à la famille des Geoplanidae sont encore assez mal connus, alors qu’ils s’avèrent être une menace très importante à prendre en compte pour la biodiversité des jardins et de la nature dans son ensemble. En France, les recherches ont vraiment été engagées lorsqu’en 2013, le naturaliste amateur, Pierre Gros, a appuyé sur le déclencheur de son appareil photo à la vue d’un ver bizarre dans son jardin de Cagnes-sur-Mer. Le cliché n’a pas tardé à arriver sous les yeux de Jean-Lou Justine, parasitologiste et zoologiste français, Professeur au Muséum national d’histoire naturelle à Paris, qui se rendit rapidement compte que l’embranchement que forment les Plathelminthes était très mal renseigné en France. Depuis, il en est devenu le spécialiste et tend à combler cette lacune progressivement.
Obama nungara, le ver plat présent en France
En 2013, Pierre Gros avait photographié Caenoplana bicolor puis Obama nungara, sauf que ces deux espèces n’avaient pas encore étaient décrites, ce qui fut fait depuis.
Obama nungara (photo ci-dessus) est une espèce terrestre originaire du Brésil, très certainement introduite en Europe, par l’importation de plantes en pot. Le ver tout en longueur peut mesurer 5 à 7cm avec une extrémité plus large se terminant en pointe qui permet de déterminer l’emplacement de la tête ; de nombreux yeux difficilement visibles sont alignés sur les côtés. Le corps peut être de couleurs différentes allant du marron au noir avec des petites marques plus foncées longitudinales tandis que la partie ventrale est unie et beaucoup plus claire. Son épaisseur ne dépasse pas 1 à 2mm pour près de 5 à 8mm de large : un véritable ver plat.
Sa reproduction est sexuée donnant lieu à la formation de cocons qui contiennent chacun jusqu’à 8 nouveaux vers. Ces cocons étant si petits (4 à 5mm de diamètre) qu’il est impossible de les repérer s’ils sont sur le bord d’un de vos pots de fleurs, ce qui leur permet de se reproduire sans entrave très facilement.
Lorsqu’il se déplace, ce ver plat sécrète un mucus qu’il laisse derrière lui mais on ignore s’il produit de la tétrodotoxine, un neurotoxique. Son observation se fait davantage la nuit mais il se trouve également le jour, un peu plus caché. Malheureusement, il s’agit du Plathelminthe le plus répandu en France métropolitaine puisqu’il est présent sur 2/3 des départements à l’exception des régions montagneuses sans qu’on sache expliquer aujourd’hui cette absence.
Encore plus ennuyeux, ce Plathelminthe, Obama nungara, se nourrit essentiellement de vers de terre, mais aussi d’escargots terrestres et de limaces. Or, lorsqu’on connait les bienfaits des vers de terre pour le sol, on comprend rapidement que ce ver plat, s’il poursuit son développement, constituera un véritable danger pour la biodiversité des sols et leur équilibre écologique.
Le ver plat de Nouvelle-Guinée, confiné
Le Plathelminthe de Nouvelle-Guinée ou ver plat de Nouvelle-Guinée (Platydemus manokwari) est une espèce asiatique qui a très certainement été introduite en Europe via des plantes exotiques importées de ce continent. Il a été découvert en 2014 dans les serres municipales chaudes de la ville de Caen. Aujourd’hui, il n’est observé que sur un unique site spécifique et confiné dans l’ouest de la France, mais ce n’est pas le cas de bien d’autres espèces tout aussi redoutables.

Il s’agit d’une espèce terrestre diurne qui, à la différence de nos vers de terre ou lombrics bien connus cylindriques, a un corps plat, relativement large en partie centrale, devenant plus étroit vers la tête ainsi que vers la queue. Sa longueur est de 5cm maximum sur 0,5cm de large, il arbore une couleur brun olive virant au gris sur le devant, tandis que la partie ventrale est d’un marron plus clair tacheté. L’aspect est lisse et un peu gluant. Un autre détail physique très facilement repérable le caractérise, c’est son trait dorsal crème, fin et net, qui se dessine d’une extrémité à l’autre. Ce détail permet de le distinguer d’autres espèces comme Obama nungara, par exemple.
Sa tête est fine et mobile, affublée de 2 grands yeux décalés vers l’arrière. Quant à sa bouche, elle est située dans la partie ventrale arrière du corps, avant l’orifice génital et l’extrémité du corps. Sa reproduction est également sexuée avec des cocons qui contiennent 3 à 9 petits.
L’habitat du ver plat de Nouvelle-Guinée se concentre dans les zones humides qui connaissent des pluies régulières. La sécheresse ne lui permet pas de survivre.
Le Plathelminthe de Nouvelle-Guinée est un carnivore qui se nourrit surtout d’escargots mais sans doute aussi de nombreux autres invertébrés comme les limaces et une sélection d’arthropodes.
D'autres espèces de Plathelminthes
Lorsque l’enquête collaborative initiée par le Muséum national d’histoire naturelle débuta en 2013, les chercheurs reçurent de nombreux clichés de particuliers de métropole et des outre-mer. Après analyse et vérifications, les résultats permirent de recenser une dizaine d’espèces invasives de Plathelminthes dont des espèces de Plathelminthes bipaliinés (des genres Bipalium et Diversibipalium) présentes en France métropolitaine et dans les territoires français d’outre-mer.
Outre Obama nungara, le ver plat le plus répandu en France, et le ver plat de Nouvelle-Guinée (Platydemus manokwari), isolé en France à ce jour, les vers plats exotiques envahissants sont les suivants :
- Marionfyfea adventor, originaire du sud de la Nouvelle-Zélande,
- Bipalium kewense (photo ci-dessous), géant puisqu’il peut faire 40cm de long, se reproduit de façon asexuée par scissiparité en libérant un fragment à l’arrière du corps. En France, il est très présent dans les Pyrénées-Atlantiques au climat doux et humide qu’il apprécie, mais il se trouve sur tous les continents. (cf. publication dans la revue Peerj du 22 mai 2018).
- Diversibipalium multilineatum, qui a les mêmes aires de répartition,
- Diversibipalium ‘black’, qui n’a pas encore de nom, mais a été recensé en France métropolitaine,
- Bipalium vagum, qui fait 4 à 5cm de long, trouvé dans les outre-mer uniquement,
- Diversibipalium ‘blue’, rencontré sur Mayotte uniquement,
- Caenoplana bicolor, d’Australie, qui avait également été photographié par Pierre Gros en 2013 à Cagnes-sur-Mer,
- Parakontikia ventrolineata, d’Australie, mais extrêmement présent en Bretagne ; sa particularité est d’être un prédateur nécrophage qui aime le sucre puisqu’il s’agglutine dans les fruits percés au préalable par une limace,
- Caenoplana coerulea, avec sa partie ventrale bleu violet, qui a été observé en milieu naturel à l’ile de Ré (hors jardin).

Comment lutter contre les Plathelminthes ?
A ce jour, on ne connait pas de prédateur des Plathelminthes, vers plats, peut-être à cause de la tétrodotoxine qu’ils contiennent ? Pour avoir un début de réponse, il faudra attendre que les chercheurs enrichissent leurs études et leurs publications. Si vous trouvez un plathelminthe dans votre jardin ou dans un pot de fleurs, ce site vous donne la marche à adopter, vous contribuerez ainsi à faire avancer les connaissances.
Stocké dans une boite pour le chercheur ou écrasé sous votre chaussure après l’avoir immortalisé avec votre appareil-photo, c’est le destin du ver plat puisqu’à ce jour aucun moyen de lutte efficace biologique ni même chimique n’a été trouvé.
On se rend ici vraiment compte que l’introduction d’espèces exotiques envahissantes comme ces vers plats ou le frelon asiatique, du fait de la mondialisation favorisant le développement des échanges internationaux de marchandises, constituent un danger pour la biodiversité.